TROISIEME DIMANCHE DE CARÊME. ANNEE C.
Evangile de Jésus Christ selon Saint Luc 13, 1-9.
"Tous au Buisson ardent
de la Miséricorde!".
Homélie de monsieur l' abbé Jean-Bernard Hayet,
curé de la paroisse saint Joseph des Falaises-Bidart.
Le livre de l' Exode (3, 1-15) vient de nous rapporter que Moïse, alors qu' il menait son troupeau au-delà du désert, fut arrêté dans sa marche par une "étrange"
apparition : celle d' un Ange "au milieu d' un feu qui sortait d' un buisson", un buisson qui "brûlait sans se consumer". Moïse se dit alors : "Je vais faire un détour pour voir cette chose
extraordinaire".
Frères et soeurs, n' avons-nous pas ici, pour nous tous, qui vivons ce temps du Carême, comme une invitation? Invitation à nous arrêter, à nous poser, à
ralentir notre marche, à faire nous aussi un "détour" pour nous approcher du Buisson ardent de la Miséricorde Divine.
Il faut le dire ici, trop de chrétiens-catholiques se sont éloignés du "Confessionnal", se sont éloignés du Sacrement de guérison qu' est le Sacrement du Pardon :
c' est une des plus belles inventions de Notre Seigneur Jésus Christ, un Sacrement qu' Il a institué et confié jusqu' à la fin des temps à Son Eglise, un Sacrement dont nous -pauvres prêtres,
pécheurs comme vous tous!- sommes les humbles et magnifiques instruments : "Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis, ceux à qui vous les maintiendrez, ils leur seront retenus"
lisons-nous en Saint Jean (20, 23).
Regardez l' Evangile, mes frères, page après page, il "suinte" de Miséricorde; page après page, il nous rapporte que pardonner aux pécheurs, cicatriser les
plaies les plus profondes et purulentes, ce fut sans cesse le "régal" du Christ, ce fut Sa "Passion" (Saint Jean 9, 39) : oui, tel le Bon Berger, Jésus n' a eu de cesse de courir après les
brebis perdues, faibles, égarées, esquintées et parfois terriblement amochées et cela Il l' a fait jusqu' à la grande absolution générale donnée du haut du Golgotha : "Père! Pardonne-leur! Ils ne
savent pas ce qu' ils font!" (Saint Luc 23, 34).
En vérité, mes frères, ; il n' y a pas de mot pour qualifier l' Amour dont Dieu a fait preuve pour nous sur la Croix!
Regardez l' Evangile, mes frères, qu' a donc fait Jésus, quasiment nuit et jour, si ce n' est de rencontrer des hommes et des femmes pour les sortir des
ténèbres et les attirer à Sa Lumière en leur ouvrant Ses Bras, en leur offrant Son Pardon, en les relevant -au sens propre comme au figuré-et en les remettant sur la route : rappelez-vous
la sulfureuse femme adultère (Saint Jean 8, 1-11), l' habile escroc -Zachée de Jéricho- (Saint Luc 19, 1-10) ou le criminel repenti du Golgotha (Saint Luc 23, 35-43)! Oui, tout au long de l'
Evangile et jusqu' à cet instant où je vous parle, Jésus a toujours du "baume pour toutes les blessures"; Jésus ne "pèse les âmes qu' au poids de leur Amour" -selon les expressions du Bienheureux
Père Jean-Joseph Lataste (+ 10 mars 1869).
Toi, chrétien, qui depuis bien longtemps, trop longtemps, ne t' es pas confessé humblement à un prêtre, ce serait une bonne et belle chose pour toi que de faire un
détour vers le Buisson ardent de l' Amour Miséricordieux de Dieu!
Avec Jésus -dira Saint Augustin- "un Médecin est venu parmi nous pour nous rendre la santé... Ne te moque pas de ce qui te donnera la guérison : sois humble, toi
pour qui Dieu S' est fait humble... Tandis que tu ne pouvais pas courir chez le médecin, le Médecin en personne est venu chez toi... Il vient, Il veut te secourir, Il sait ce dont tu as besoin...
Notre Médecin, Lui, n' a pas craint d' être tué par des malades atteints de folie : Il a fait de Sa propre mort un Remède pour eux. En effet, Il est mort Ressuscité" (Saint Augustin. Sermon
Delbeau 61, 14-18. Trad. Solesmes, lection. T. II page 343)
Le fondateur de Taizé, le frère Roger Schutz (+ 16 août 2005) disait : "Malgré la maladresse qu' elle peut parfois avoir, la confession est le lieu décisif où
l' on retrouve la fraîcheur de l' Evangile, où l' on est régénéré. On y apprend à écarter d' un souffle ses remords, comme un enfant qui souffle sur le tourbillon d' une feuille d' automne. Nous
y trouvons le bonheur de Dieu, l' aube d' une joie parfaite".
Le Saint Curé d' Ars -Jean-Marie Vianney (+ 4 août 1859) qui passa des heures au confessionnal de son église disait avec assurance : "Le Bon Dieu au
moment de l' absolution jette nos péchés par derrière Ses épaules, c' est-à-dire Il les oublie, Il les anéantit : ils ne reparaîtront plus jamais. Il ne sera plus parlé des péchés pardonnés.
Ils ont été effacés, ils n' existent plus. Pour recevoir le Sacrement de Pénitence, il faut trois choses : la Foi qui nous découvre Dieu Présent dans le prêtre, l' Espérance qui nous fait croire
que Dieu nous donnera la Grâce du Pardon, la Charité qui nous porte à aimer Dieu et qui met au coeur le regret de L' avoir offensé" (Catéchisme Germain, Annales 1915,
341-342-343).
"Je vais faire un détour pour voir cette chose extraordinaire" -disait Moïse-.Oui, en allant te confesser, tu retireras tes sandales -tout en gardant tes
chaussures!-, cela signifie que tu te présenteras tel que tu es face à Dieu qui te connaît vraiment, tu te présenteras avec la poussière qui colle à ta vie, avec la saleté accumulée tout au long
de la route et parfois depuis de nombreuses années; en allant te confesser, tu approcheras sans crainte de Son "Feu" : il ne te brûlera pas ce "Feu", il brûlera seulement tes péchés les plus
graves et les plus lourds et il te revigorera, te ragaillardira et te vivifiera; en allant te confesser, tu entendras comme Moïse la Voix de ton Père et Seigneur te dire : "J' ai vu la misère de
Mon Peuple... Je vois ta misère, J' entends tes cris, Je connais tes souffrances. Je Suis là pour te délivrer!". Oui, tu n' as pas à être inquiet de tes faiblesses, de tes péchés, de tes
errances, de tes turpitudes, y compris de celles de ta chair défectueuse qui te tire très souvent, trop souvent vers le bas, vers ce qui est obscur et médiocre : viens jeter tout cela dans
Mon Brasier d' Amour! "Ce n' est pas à la mode de se confesser; cela peut être difficile, et coûter beaucoup d' efforts au début. Mais c' est une des plus grandes grâces de notre vie, de pouvoir
toujours repartir à nouveau -parce que, vraiment, ce Sacrement renouvelle, décharge du poids des fautes et des hypothèques d' hier, lorsqu' il est accueilli dans l' Amour" (Youcat n° 226-Bayard
2011 page 134). Dans un ouvrage célèbre, le Pape Jean-Paul I er écrivait que les allergiques à la confession ressemblent au domestique de Jonathan Swift : "Après une nuit passée dans une auberge,
Swift avait demandé ses bottes et son domestique les lui avait apportées couvertes de poussière. "Pourquoi ne les avez-vous pas cirées? demanda-t-il. "J' ai pensé que c' était inutile; de toute
façon après quelques kilomètres de route, elles seront de nouveau couvertes de poussière!". "C' est juste, va donc préparer les chevaux pour le départ". Peu après les chevaux piaffaient hors de
l' écurie et Swift aussi était fin prêt pour le voyage. "Mais nous ne pouvons pas partir sans prendre le petit déjeuner" fit observer le valet. "C' est inutile, répondit Swift, de toute façon
après quelques kilomètres de voyage, vous aurez de nouveau faim!". Notre âme se salira de nouveau après la confession? C' est fort probable. Mais la nettoyer maintenant ne peut que lui faire du
bien. Et puis la confession ne se borne pas à enlever la poussière des péchés, elle insuffle une force spéciale pour les éviter, et resserre l' amitié avec Dieu".
(Albino Luciani "Humblement vôtre" Nouvelle Cité 1978 pages 307-308). S' il fallait le dire autrement, mes frères, disons que la Confession de nos fautes et l'
absolution donnée sont la chance de notre vie : en accomplissant cette démarche commence, en définitive, quelque chose d' absolument nouveau : une Visite de Dieu, une nouvelle naissance!
Dans notre marche vers Pâques, Dieu nous fixe un rendez-vous à ne pas manquer et où nous avons tout à y gagner : Il nous attend dans le Sacrement de Sa Miséricorde pour réclamer notre vie à
la tombe et nous couronner d' Amour et de Tendresse (Psaume 102). Allez, chrétien, écoute-le crépiter ce "Feu" d' Amour : il attend tes péchés pour les brûler et redonner vie à ton âme!
Vite! Ne tarde pas tant qu' il en est encore temps,!
Vite! Ne remets pas à demain ce que tu peux faire aujourd' hui!
Vite! Rends-toi, sans tarder, au Buisson ardent de la Miséricorde!
Amen.
"Pour recevoir le Sacrement de Pénitence, il faut trois choses : la Foi qui nous découvre Dieu Présent dans le prêtre, l' Espérance qui nous fait croire que Dieu
nous donnera la Grâce du Pardon, la Charité qui nous porte à aimer Dieu et qui met au coeur le regret de L' avoir offensé... Quand on va se confesser, il faut comprendre ce qu' on va faire. On
peut dire qu' on va déclouer Notre Seigneur".
Saint Jean-Marie Vianney,
Curé d' Ars.
Catéchisme Germain, Annales 1915, 343 et Esprit 31.
Méditation de Monseigneur Pierre Molères,
évêque émérite de Bayonne :
"Il nous faut passer sans cesse de l' Ancien au Nouveau Testament, reprendre à notre compte l' Histoire Sainte du Peuple de Dieu, porter l' Evangile du Christ dans
tous les coins et secteurs de notre vie pour le convertir, l' unifier, et la relire à la Lumière de l' Esprit Saint.
N' est-il pas temps de vérifier la cause de nos résistances, de nos langueurs et de nos chutes? Notre vie spirituelle n' est-elle pas menacée d' anémie ou même de
mort? L' arbre fruitier est-il suffisamment traité, vivifié par la méditation de l' Ecriture et une vie sacramentelle fréquente, consciente et aimante?
Oui, Dieu nous fait signe. Par l' Ecriture, le Christ nous entraîne dans Son exode vers le Père. Encore faut-il Le suivre et nous laisser conduire par Lui.
Enfin l' Ecriture, par la voix forte de Saint Paul, creuse encore notre coeur pour bien y enraciner l' arbre de notre Foi. "Celui qui se croit solide, qu' il fasse
attention à ne pas tomber!...". Quel lierre arracherons-nous qui étouffe notre arbre, l' empêche de respirer et de porter ses fruits? Quel style de vie rejeter? adopter? proposer? De quelles
habitudes, de quels actes vais-je me séparer radicalement ou progressivement en moi, et même autour de moi, dès maintenant? De quoi m' accuserai-je de façon précise, par aveu personnel, en
confession?...
Les chrétiens aujourd' hui doivent retrouver au contact du Christ en Croix le sens du Péché atténué par le matérialisme ambiant.
Le Sacrement de Pénitence et de Réconcilation, si dévalorisé et si mal compris, doit reprendre parmi nous toute sa place et son honneur. Loin de nous aliéner, il
libère notre liberté. Il nous donne la force du Christ pour lutter contre le Péché, démasquer Satan, entraîner les autres contre l' extension du Mal, ses conséquences personnelles et sociales.
Loin de nous scléroser dans des listes de péchés, il nous aide à retrouver l' Amour du Seigneur et de nos frères, à développer l' horreur du péché et à stopper la nécrose du coeur. Le Christ n'
aime pas les vies stériles. Il espère toujours en nous. Entendons-Le dire de nous : "Laissons-lui encore le temps. Le temps pour Moi de le travailler à la bêche et à l' engrais. Peut-être
donnera-t-il du fruit à l' avenir!".